
L’administration Trump a marqué la politique migratoire américaine par sa fermeté. Moins visible, l’intelligence artificielle (IA) et les algorithmes ont joué un rôle crucial. Des outils sophistiqués ont transformé les opérations de l’ICE, l’agence de contrôle de l’immigration, en une véritable traque numérique des migrants en situation irrégulière.
⏱️ Pas le temps ? Voici l’essentiel à retenir de cette actualité
- 🤖 L’IA et les algorithmes ont été des leviers essentiels de la politique migratoire stricte de Donald Trump, renforçant les capacités de l’ICE.
- 📸 Des outils comme Mobile Fortify (reconnaissance faciale) et ImmigrationOS (gestion des données) ont permis d’accélérer l’identification et les expulsions.
- 🔗 Des entreprises comme Palantir ont noué des liens profonds avec l’administration, soulevant des questions sur la surveillance de masse et les risques démocratiques.
Les outils numériques au cœur de la traque
L’agence américaine de l’immigration et des douanes (ICE) a déployé des technologies de pointe. Parmi elles, **Mobile Fortify**, une application de reconnaissance faciale. Cette application transforme les smartphones des agents en puissants outils d’identification. Au lieu de relever les empreintes digitales, une simple photo suffit pour vérifier l’identité d’un individu. Le site 404 Media a révélé ce dispositif grâce à des e-mails internes de l’ICE.
Mobile Fortify est directement connectée à des bases de données biométriques du Département de la Sécurité Nationale (DHS). Elle compare les photos avec le Système Automatisé d’Identification Biométrique (IDENT) du DHS, qui contient des informations sur 270 millions de personnes. Les images sont aussi envoyées à la base de données douanière. L’objectif principal est d’identifier rapidement le statut des individus. Ceci permettait d’enchaîner les **raids** conformément aux consignes de l’administration Trump. Celle-ci visait à arrêter le plus grand nombre d’immigrés en situation irrégulière. Bien que la reconnaissance faciale soit moins fiable que les empreintes digitales, l’ICE l’a adoptée. L’intégration de l’IA et du traitement algorithmique des images est censée améliorer la précision. Un audit de février 2025 du DHS avait pourtant mis en garde contre ses faiblesses.
ImmigrationOS et l’influence de Palantir
L’ICE a bénéficié d’autres innovations. **ImmigrationOS**, un nouveau système de traitement des données, a été découvert par 404 Media en avril. Ce logiciel offre une large palette d’outils. Il permet de vérifier en temps réel les départs volontaires. Il gère également le flux des arrestations et des expulsions. Enfin, il aide à identifier plus rapidement les cibles prioritaires pour les agents.
Ce vaste programme a été confié à **Palantir**, un géant du traitement de données. Cette entreprise, appartenant au milliardaire Peter Thiel, a reçu 30 millions de dollars de l’ICE. Palantir collabore avec l’agence depuis 2011. Elle est souvent présentée comme l’architecte de la **techno-surveillance** des immigrés aux États-Unis. Ses liens avec l’administration Trump étaient étroits. Corey Lewandowski, ancien chef de campagne de Donald Trump, a présenté Palantir à Kristi Noem, directrice du DHS. Stephen Miller, idéologue de la politique migratoire de Trump, détient des actions Palantir. D’autres entreprises de la Silicon Valley ont aussi travaillé pour l’ICE. Un rapport de 2018 de l’ONG Surveillance Lab détaillait cet écosystème. Il incluait Amazon et Forensic Logic.
Une collaboration stratégique et ses dérives
La collaboration avec les entreprises technologiques est cruciale pour l’ICE. Johannes Späth, spécialiste des États-Unis, explique cette nécessité. Le rôle dual de l’agence, enquête et déportation, exige de vastes données. Il faut suivre les dossiers à travers plusieurs juridictions et collaborer avec les forces de police. L’ICE utilise cette technologie non seulement pour la reconnaissance faciale, mais aussi pour la géolocalisation ou l’identification de véhicules.
« Difficile d’imaginer cette agence mener à bien ‘la plus importante opération d’expulsion d’immigré’ voulue par Donald Trump sans recours à la technologie », explique Johannes Späth, spécialiste des États-Unis à l’Institut autrichien des Relations internationales.
Elisabetta Ferrari, sociologue à l’université d’Aarhus, note que l’ICE est un cas d’école. Il montre comment l’administration Trump a utilisé ouvertement la technologie pour son programme. Cette surveillance technologique est une partie intégrante de la vision de l’État de Trump. Cependant, l’échange est mutuel. Des entreprises comme Palantir, Anduril et des personnalités comme Elon Musk renforcent leur emprise sur l’appareil d’État.
« Avec toutes ces informations, il est ensuite possible à ces géants de la Tech – qui gèrent aussi les réseaux sociaux – de faire des campagnes de ciblages très précises ou alors se servir des informations pour dénigrer leurs opposants politiques », alerte Johannes Späth.
Ces entreprises rendent les agences publiques dépendantes. Une fois passées au numérique, il est difficile de revenir en arrière. En contrepartie, ces milliardaires de la tech accèdent à un trésor de données personnelles sur les citoyens américains. Cela représente un vrai danger démocratique. Les experts craignent des campagnes de ciblage politique ou la dénonciation d’opposants. L’exemple de l’ICE révèle ainsi comment l’administration Trump et certaines entreprises technologiques ont pu dévoyer la démocratie américaine.